Page:Clausewitz - Théorie de la grande guerre, I.djvu/208

Cette page a été validée par deux contributeurs.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
197
chap. xiv. — le combat de nuit.

peut, en outre, porter de nombreux corps de soutien, voire même le gros de l’armée, à proximité des troupes ainsi engagées, de façon à les appuyer ou à les recueillir en cas de besoin, ce qui diminue encore les dangers de l’opération.

Ce n’est cependant pas seulement en raison des risques mais aussi en raison des difficultés qu’elles présentent, qu’il convient en général de limiter les attaques de nuit à des opérations contre les plus faibles subdivisions de l’ennemi. Il s’agit surtout ici de ruser et de surprendre, de passer et d’arriver inaperçu, ce à quoi réussissent bien mieux de petits détachements que de grandes colonnes. C’est ainsi que s’explique que les attaques de nuit n’atteignent la plupart du temps que des avant-postes isolés, et ne produisent de résultats contre des corps de troupes considérables que là où, comme le fit Frédéric le Grand à Hochkirch, on néglige de couvrir ces corps d’un nombre suffisant d’avant-postes.

Dans les derniers temps cependant, la guerre a été conduite avec tant d’énergie et de rapidité, que dans les heures de crise qui précèdent les grandes décisions les adversaires se rapprochèrent maintes fois si fort l’un de l’autre, qu’ils durent camper sans disposer entre eux de l’espace nécessaire à l’établissement d’un fort système d’avant-postes ; mais, en pareil cas, la préparation au combat était telle de part et d’autre, qu’elle éloignait toute possibilité de surprise. Dans les guerres précédentes, au contraire, les armées opposées prenaient fréquemment leurs camps en face l’une de l’autre, dans le seul but de se tenir réciproquement en respect. C’est ainsi que Frédéric le Grand resta souvent des semaines entières à une si grande proximité des Autrichiens, que les deux armées eussent pu échanger des coups de canon.