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le combat.

jusqu’à ce qu’il se croie en situation de recommencer le combat. On s’empare ainsi de tout ce qu’il laisse inévitablement derrière lui dans une marche prolongée exécutée dans de si déplorables conditions : blessés, malades, hommes épuisés, bagages et équipages de toutes sortes.

2o Lorsqu’au lieu de laisser le vaincu s’arrêter là où chaque jour la fatigue le porte à le faire, on exige de lui une soumission plus complète et un plus grand abandon de terrain en lançant une puissante avant-garde à l’attaque de son arrière-garde dès que celle-ci fait mine de vouloir s’arrêter et de prendre position, on imprime à sa retraite un caractère de fuite qui en augmente considérablement le désordre. Rien ne démoralise plus les troupes, en effet, qu’alors qu’au moment où elles croient enfin pouvoir se reposer, le canon de l’ennemi se fait de nouveau entendre, et pour peu que l’attaque générale recommence chaque matin au point du jour, le procédé atteint bientôt un degré tel de puissance que pour se soustraire à cette incessante importunité le vaincu en arrive généralement soit à lever le camp pendant l’obscurité pour prendre position plus en arrière, soit même à continuer à marcher durant la nuit entière, tandis que le gros de l’armée victorieuse peut tranquillement se livrer au sommeil.

Beaucoup d’autres objets et particulièrement l’entretien des troupes, les grands obstacles du terrain et la proximité des grandes villes exercent cependant aussi, en pareil cas, de l’influence sur les dispositions à prendre pour les marches et pour les formations, de sorte qu’il y aurait de la pédanterie à vouloir démontrer qu’alors qu’il apporte cette extrême vigueur à poursuivre le vaincu, le vainqueur peut toujours ainsi faire reposer la majeure partie de ses propres forces en