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chap. xii. — moyens d’utiliser la victoire.

masse des autres généraux se contentaient de rester en possession du champ de bataille.

L’importance, l’étendue et la multiplicité des rapports d’où sont sorties les dernière guerres, ont imprimé un tout autre caractère à leur direction, et dès que la victoire s’accuse, le principal soin du vainqueur est aujourd’hui d’en grandir les résultats par la poursuite du vaincu, et lorsque exceptionnellement les choses ne se passent pas ainsi, ce ne peut plus être désormais qu’en raison de causes spéciales.

C’est la supériorité de leur cavalerie qui sauva seule les Alliés d’une déroute complète à Gœrschen (Lutzen) et à Bautzen, et si les Français ne furent pas écrasés à Gross-Beeren et à Dennewitz, il ne le durent qu’au mauvais vouloir qu’y apporta le prince royal de Suède. À Laon encore, ce ne fut que l’état de faiblesse du vieux Blücher qui les sauva d’une défaite certaine.

Quant à la bataille de Borodino (la Moskowa), tandis que pour en expliquer les résultats négatifs certains écrivains, et parmi eux les plus grands admirateurs de Bonaparte (Vaudancourt, Chambray, Ségur), le blâment de n’avoir pas employé ses dernières forces à expulser l’armée russe du champ de bataille et à la détruire, d’autres se contentent de la classer au nombre des batailles que nous avons déjà dit être très rares, dans lesquelles les rapports qui enserrent le vainqueur exercent une si grande tyrannie sur lui, qu’ils paralysent son action dès que la décision se prononce et l’empêchent d’en grandir la portée par l’énergique poursuite du vaincu. Nous déclarons ces deux opinions aussi fausses l’une que l’autre.

Nous ne pouvons, pour le prouver, exposer ici en détail quelle était la position des deux armées ; cela nous entraînerait trop loin. Toujours est-il que Bonaparte, dont les corps qui prirent part à la bataille de