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chap. xii. — moyens d’utiliser la victoire.

succès et à le parfaire, tandis que la masse épuisée par la lutte et désireuse de se soustraire enfin au danger ne songe qu’à prendre un repos que la victoire semble lui promettre, et que dans sa pensée tout nouvel effort ne pourrait que retarder sans profit nouveau. Ces sentiments dont il a conscience se font jour et s’affirment jusque dans l’entourage et les conseils du général en chef qui, moralement et physiquement plus ou moins éprouvé déjà par les efforts qu’il a dû faire, ne leur résiste qu’en raison de l’énergie et de la soif de gloire dont il est animé, et peut-être même de la rudesse de cœur qui le caractérise. Telle est la seule manière dont on se puisse expliquer que dans des conditions de supériorité personnelle incontestable, tant de généraux se montrent irrésolus et faibles dans la poursuite de la victoire.

Quelle qu’en soit l’énergie cependant, le premier élan de la poursuite ne dépasse généralement pas la première journée, et ne s’étend que rarement à la nuit suivante. Passé cette extrême limite le besoin de se reposer et de se refaire s’impose impérieusement au vainqueur lui-même.

Quant à la manière de procéder à la poursuite immédiate, on peut :

1o  N’y employer que la cavalerie seule ;

2o  La faire exécuter par une forte avant-garde composée de toutes armes et appuyée de toute la cavalerie ;

3o  Y porter, enfin, l’armée victorieuse entière.

À moins que le désordre ne soit considérable dans l’armée battue on ne peut guère se promettre, par le premier de ces procédés, que d’observer l’ennemi sans l’inquiéter ni le pousser beaucoup. Arme auxiliaire, en effet, la cavalerie employée seule n’exerce d’action que contre des bandes déjà désunies, et il suffit ici de

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