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chap. xi. — emploi de la bataille.

bataille générale doit être évitée comme une faute à laquelle une direction prudente et raisonnée ne devrait jamais conduire.

L’expérience si chèrement acquise dans les guerres de la Révolution et de l’Empire français, a enfin triomphé de ces funestes illusions, sans que personne cependant puisse affirmer qu’elles ne reprendront pas quelque jour leur autorité naturelle sur l’esprit humain, et ne conduiront pas de nouveau les gouvernants et les commandants d’armée aux mêmes erreurs et aux mêmes désastres. Qui sait, par exemple, si dans quelques générations on ne verra pas reparaître l’engouement pour la vieille escrime et pour les méthodes surannées, et condamner les campagnes et les batailles de Bonaparte comme des actes de barbarie et d’inutile brutalité !

C’est à mettre en garde contre ces dangereuses erreurs que tous les efforts des écrivains militaires doivent tendre désormais. Que le ciel daigne accorder à nos travaux d’exercer une salutaire influence à ce propos sur l’esprit des hommes auxquels il réserve, dans l’avenir, le gouvernement et la direction des intérêts de notre chère patrie !

Née de l’étude même des notions de la guerre, la conviction que les grandes batailles conduisent à de grandes décisions se trouve confirmée par l’expérience. De tout temps, d’une façon absolue dans l’attaque et à des degrés plus ou moins accentués dans la défensive, les grandes victoires ont seules produit de grands résultats. Bonaparte lui-même n’eût jamais obtenu un résultat comparable à celui de la capitulation d’Ulm, si les 30,000 hommes qui mirent bas les armes devant lui dans cette circonstance n’eussent su qu’il était sans exemple qu’en présence d’une grande solution il eût reculé devant l’effusion du sang, et l’on se trouve ainsi conduit à considérer ce résultat sans précédent