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chap. ix. — bataille générale. — moment décisif.

faut enfin renoncer à la lutte, c’est le plus fréquemment la menace d’être coupé de la ligne de retraite ou l’approche de la nuit qui décide du commencement du mouvement rétrograde.

Alors, en effet, qu’à tout moment les progrès de l’ennemi menacent davantage les derrières de l’armée, et que le peu de troupes fraîches dont on dispose encore serait insuffisant à rouvrir la voie si elle venait à être fermée, il ne reste plus qu’à se soumettre au sort, et, pour éviter la déroute et la fuite, à chercher le salut dans une retraite en bon ordre.

Les combats de nuit n’étant avantageux que dans des circonstances spéciales, la nuit met généralement fin à la lutte, et comme l’obscurité est plus favorable à la retraite que le jour, le vaincu en profite habituellement pour se retirer.

Tels sont les plus fréquents motifs qui décident de l’abandon du terrain dans une bataille perdue. Il est clair cependant que, plus le renversement de l’équilibre s’accentue, et plus nombreuses sont les raisons incidentes qui, bien que de moindre importance, peuvent ici devenir déterminantes.

C’est ainsi qu’un nouvel insuccès, la perte d’une batterie par exemple, ou l’heureuse réussite d’une charge de cavalerie qui arrête un moment les progrès de l’ennemi, peuvent décider de la mise en retraite de l’armée battue.

Il nous reste enfin à appeler l’attention du lecteur sur la lutte que le courage et le raisonnement ont à se livrer au sujet de cette détermination suprême, dans l’esprit du général en chef.

Si la force de volonté, l’énergie, la hardiesse et la persévérance dont il est doué, ces nobles qualités qu’on ne peut trop exalter, le portent à n’abandonner le champ de la bataille et de l’honneur qu’alors seulement qu’il a