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chap. ix. — bataille générale. — moment décisif.

sur eux que, dans la mesure de son courage et de la pénétration de son esprit, compte et doit toujours compter le général contre lequel le sort semble se déclarer. Un éclair, une conception de génie, l’exaltation des forces morales, la ténacité et la vertu guerrière des troupes, un heureux hasard enfin, peuvent encore, en effet, tout changer.

Trois indices cependant se réunissent ici pour indiquer au général en chef que le moment est proche où il lui faudra définitivement renoncer à la lutte.

Le premier est la conviction qui se forme dans son esprit, en raison des rapports défavorables qu’il reçoit de ses sous-ordres, les chefs de corps et de division. Ceux-ci, en effet, dirigeant personnellement les combats partiels dans lesquels l’action générale se décompose, voient comment les troupes se comportent, ce qui exerce de l’influence non seulement sur leurs propres dispositions, mais encore, par les messages qu’ils lui transmettent, sur les mesures mêmes que prend le général en chef.

Le second indice, que la progression relativement lente des batailles modernes laisse facilement percevoir, est la rapidité de la diminution des effectifs des troupes engagées dans les combats partiels.

Le troisième enfin est le terrain perdu dans ces divers engagements.

C’est à ces trois indices, comme sur une boussole, que le général en chef reconnaît la marche que suit le bâtiment qu’il cherche à diriger dans la tourmente de la bataille.

Qu’il perde des batteries entières, alors que son adversaire n’en laisse aucune entre ses mains ; que son infanterie partout enfoncée par la cavalerie ou renversée par la mitraille ne fasse que de vains efforts ; que son front de bataille oscille indécis de la droite à la gauche ;