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le combat.

le champ de bataille, la dépression des forces morales va sans cesse en augmentant chez le vaincu dès que le mouvement de retraite commence. Elle n’atteint son maximum qu’à la fin de l’acte entier, et fournit ainsi au vainqueur le moyen de tirer le plus extrême parti de la victoire par la plus grande destruction possible des forces armées du vaincu. Pour celui-ci, en effet, l’ordre et l’unité déjà ébranlés dans la lutte achèvent de se perdre dans la retraite, et dès lors tout acte de résistance isolé lui devient plus pernicieux qu’utile. Le courage n’étant plus soutenu par l’émulation et l’espoir du succès se brise, et la situation apparaît dans toute son horreur. Bref, plus la victoire s’affirme d’un côté, et plus, de l’autre, l’instrument du combat s’émousse et devient incapable de rendre danger pour danger et coup pour coup.

Tel est le moment que le vainqueur doit mettre à profit pour arriver au véritable résultat du combat, c’est-à-dire au plus grand anéantissement possible des forces armées de son adversaire. En dehors de là rien n’est certain, et ce résultat constitue souvent à lui seul tout le gain de la victoire. Dans la pluralité des cas, en effet, l’ascendant conquis se perd peu à peu en même temps que renaissent chez l’adversaire l’ordre, le courage et les forces morales ; et parfois même les sentiments de patriotisme et de vengeance produisent une nouvelle énergie chez le vaincu, et provoquent de sa part des efforts nouveaux plus puissants que les premiers, si bien que, en fin de compte, il ne reste à l’actif du vainqueur que ce qu’il a tué et blessé d’hommes, et ce qu’il a fait de prisonniers et pris de canons pendant le combat et la poursuite.

Pendant la bataille même les pertes consistent principalement en tués et en blessés, et cela habituellement sans différence sensible de part et d’autre ; après