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de la stratégie en général.

dices. C’est ainsi que, des deux adversaires chacun pouvant se figurer avoir intérêt au même objet, bien que dans le fait cet objet n’ait de valeur réelle que pour l’un d’eux, il peut arriver qu’au même moment l’un et l’autre croient agir sagement en attendant.

La troisième cause d’arrêt provient, enfin, de ce que des deux modes de l’action à la guerre, c’est le mode défensif qui possède intrinsèquement le plus de puissance. A peut se sentir trop faible pour attaquer B, d’où il ne suit pas cependant que B soit assez fort pour attaquer A. En prenant l’offensive, en effet, le premier ne perdrait pas seulement l’appoint de force que lui donne la défensive, mais il le laisserait passer à son adversaire. C’est la différence algébrique . On voit ainsi qu’il peut arriver que, au même moment, chacun des adversaires se trouve et soit réellement trop faible pour attaquer l’autre.

Il ressort de ces considérations que, sous le prétexte d’appliquer les règles de l’art militaire, une prudence inquiète et la crainte de s’exposer à de trop grands dangers trouvent facilement à se faire jour et à enrayer l’impétuosité élémentaire de la guerre.

Les causes que nous venons d’énumérer ne sauraient cependant expliquer les longues interruptions que l’on rencontre dans les entreprises militaires d’avant l’époque de la Révolution, alors qu’aucun grand intérêt ne constituait le mobile des guerres et qu’on y restait les neuf dixièmes du temps dans l’inaction. Il faut, en grande partie, attribuer ce phénomène à des causes étrangères à la notion même de la guerre, telles, entre autres, que l’influence exercée par la supériorité politique de l’un des adversaires, et par la situation et l’opinion morale de l’autre. Ce sont là des considérations que nous développerons lorsque nous nous occuperons de l’essence et du but de la guerre, mais qui