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claudine à l’école

— C’est les sous-maîtres !

Oui, c’est Rabastens et le sombre Armand Duplessis qui marchent en causant, veine inespérée ! L’avantageux Antonin veut s’asseoir sur ce banc, à cause du soleil pâlot qui le tiédit un peu. Nous allons entendre leur conversation et nous frétillons de joie dans notre champ, au-dessus de leurs têtes.

— Ah ! soupire le méridional avec satisfaction, on se choffe un peu, ici. Vous ne trouvez pas ?

Armand grogne quelque chose d’indécis. Le Marseillais repart ; il parlerait tout seul, j’en suis sûre !

— Moi, voyez-vous, je me trouve bien en ce pays : ces dames les institutrices sont très aimables. Mlle Sergent est laide, par exemple ! Mais la petite Mlle Aimée est si brave ! Je me sens plus fier quand elle me regarde.

Le faux Richelieu s’est redressé, sa langue se délie :

— Oui, elle est attrayante, et si mignonne ! Elle sourit toujours et bavarde comme une fauvette.

Mais il se repent tout de suite de son expansion et ajoute, d’un autre ton : « C’est une gentille demoiselle, vous allez bien sûr lui tourner la tête, don Juan ! »

J’ai failli éclater. Rabastens en Don Juan ! Je l’ai vu avec un feutre emplumé sur sa tête ronde et ses joues pleines. Là-haut, tendues vers la route, nous nous rions des yeux, toutes deux, sans bouger d’une ligne.