Page:Claudine a l'Ecole.pdf/56

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
claudine à l’école

« Lâche-moi, Eugène » d’une voix étouffée comme si elle avait eu ses jupes sur sa tête ; et le gros Fefed avec sa « cavalière » étaient tombés par terre ; ils riaient, ils riaient qu’ils n’en pouvaient plus se relever !

— Et toi avec Montassuy ?

Claire devint rouge d’une pudeur tardive :

— Ah ! justement voilà… Dans le premier moment, il a été si surpris de voir les lampes éteintes qu’il a gardé seulement ma main qu’il tenait ; et puis, il m’a reprise par la taille et m’a dit tout bas : « N’ayez pas peur. » Je n’ai rien dit et j’ai senti qu’il se penchait, qu’il m’embrassait les joues tout doucement, à tâtons, et même il faisait si noir qu’il s’est trompé (petite Tartufe !) et qu’il m’a embrassé la bouche ; ça m’a fait tant de plaisir, tant de bien et tant d’émotion que j’ai manqué tomber et qu’il m’a retenue en me serrant davantage. Oh ! Il est gentil, je l’aime.

— Et après, coureuse ?

— Après, la mère Trouillard a rallumé les lampes, en rechignant, et elle a juré que si une pareille chose recommençait jamais, elle porterait plainte, et on fermerait le bal.

— Le fait est que c’était tout de même un peu raide !… Houch ! tais-toi ; qui vient là ?

Nous sommes assises derrière la haie de ronces, tout près de la route qui passe à deux mètres au dessous de nous, avec un banc au bord du fossé. Une merveilleuse cachette pour écouter sans être vues.