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claudine à l’école

sœur de lait, qui ne vient plus en classe, elle, depuis un an déjà. Nous descendons le chemin des Matignons, qui donne sur la route de la gare, un chemin feuillu et sombre de verdure en été ; en ces mois d’hiver il n’a plus de feuilles, bien entendu, mais on est encore assez caché, dedans, pour pouvoir guetter les gens qui s’asseyent sur les bancs de la route. Nous marchons dans la neige qui craque. Les petites mares gelées geignent musicalement sous le soleil, avec le joli son, pareil à nul autre, de la glace qui se fend. Claire me chuchote ses amourettes ébauchées avec les gars, au bal du dimanche chez Trouillard, de rudes et brusques gars ; et moi, je frétille à l’entendre :

— Tu comprends, Claudine, Montassuy était là aussi, et il a dansé la polka avec moi, en me serrant fort contre lui. À ce moment-là Eugène, mon frère, qui dansait avec Adèle Tricotot, lâche sa danseuse et saute en l’air pour donner un coup de tête dans une des deux lampes qui sont pendues ; le verre de la lampe, il chavire, et ça éteint la lampe. Pendant que tout le monde regardait, fait des « Ah ! » voilà t’y pas que le gros Fefed tourne le bouton de l’autre lampe, et que tout est noir, noir ; plus rien qu’une chandelle tout au fond de la petite buvette. Ma chère, le temps que la mère Trouillard apporte des allumettes, on n’entendait rien que des cris, des rires, des bruits de baisers. Mon frère tenait Adèle Tricotot à côté de moi et elle faisait des soupirs, des soupirs, en disant :