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claudine à l’école

— Est-ce que les sous-maîtres vous font déjà la cour ?

— Oh ! justement, Claudine, ils sont venus hier nous « rendre leurs devoirs ». Le bon enfant et qui fait le beau, c’est Antonin Rabastens.

— Dit « la perle de la Canebière » ; et l’autre, comment est-il ?

— Maigre, beau, intéressant de figure, il s’appelle Armand Duplessis.

— Ce serait un péché de ne pas le surnommer « Richelieu ».

Elle rit :

— Un nom qui va lui rester parmi les élèves, méchante Claudine. Mais quel sauvage ! Il ne dit rien que oui et non.

Ma maîtresse d’anglais me semble adorable ce soir-là, sous la lampe de la bibliothèque ; ses yeux de chat brillent tout en or, malins, câlins, et je les admire, non sans me rendre compte qu’ils ne sont ni bons, ni francs, ni sûrs. Mais ils scintillent d’un tel éclat dans sa figure fraîche, et elle semble se trouver si bien dans cette chambre chaude et assourdie que je me sens déjà prête à l’aimer tant et tant, avec tout mon cœur déraisonnable. Oui, je sais très bien, depuis longtemps, que j’ai un cœur déraisonnable, mais, de le savoir, ça ne m’arrête pas du tout.

— Et Elle, la Rousse, elle ne vous dit rien, ces jours-ci ?