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et douce, sentimentale et docile, se fait lâcher successivement par une demi-douzaine d’amoureux. Elle ne sait pas s’y prendre. Il est vrai que je ne saurais guère m’y prendre non plus, moi qui construis de si beaux raisonnements…

Un vague étourdissement me gagne, de tourner, et surtout de voir tourner. Presque tous les habits noirs sont partis, mais pas Dutertre qui tourbillonne avec emportement, dansant avec toutes celles qu’il trouve gentilles, ou seulement très jeunes. Il les entraîne, les roule, les pétrit et les laisse ahuries, mais extrêmement flattées. À partir de minuit, le bal devient de minute en minute plus familier ; les « étrangers » partis, on se retrouve entre amis, le public de la guinguette à Frouillard, les jours de fête, — seulement on est plus à l’aise dans cette grande salle gaiement décorée, et le lustre éclaire mieux que les trois lampes à pétrole du cabaretier. La présence du docteur Dutertre n’est pas pour intimider les gars, bien au contraire, et déjà Monmond ne contraint plus ses pieds à glisser sur le parquet. Ils volent, ses pieds, ils surgissent au-dessus des têtes, ou s’éloignent follement l’un de l’autre, en « grands écarts » prodigieux. Les filles l’admirent et pouffent dans leurs mouchoirs parfumés d’eau de Cologne à bon marché : « Ma chère, qu’il est tordant ! Il n’y en a pas un pareil ! »

Tout d’un coup, cet enragé passe, avec une brutalité de cyclone, emportant sa danseuse comme un paquet, car il a parié « un siau de vin blanc »,