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CLAUDINE À L’ÉCOLE

Luce, allons, Anaïs ! on va voir des choses épatantes, nous raconterons tout aux autres… vous savez, ça se compte, les personnes qui sont entrées chez le père Caillavaut ! »

Devant la grande porte verte, où débordent par dessus le mur des acacias fleuris et trop parfumés, aucune n’ose tirer la chaîne de la cloche. Je me pends après, déchaînant ainsi un tocsin formidable ; Marie a fait trois pas pour fuir, et Luce tressaillante se cache bravement derrière moi. Rien, la porte reste close. Une seconde tentative n’a pas plus de succès. Je soulève alors le loquet qui cède, et, comme des souris, une à une, nous entrons, inquiètes, laissant la porte entre-bâillée. Une grande cour sablée, très bien tenue, devant la belle maison blanche aux volets clos sous le soleil ; la cour s’élargit en un jardin vert, profond et mystérieux à cause des bosquets épais. Plantées là nous regardons sans oser bouger : toujours personne, et pas un bruit. À droite de la maison, les serres fermées et pleines de plantes merveilleuses. L’escalier de pierre s’évase doucement jusqu’à la cour sablée, chaque degré supporte des géraniums enflammés, des calcéolaires aux petits ventres tigrés, des rosiers nains qu’on a forcés à trop fleurir. L’absence évidente de tout propriétaire me rend courage : « Ah ! ça, viendra-t-on ? nous n’allons pas prendre racine dans les jardins de l’Avare-au-Bois-dormant !

— Chut ! fait Marie effrayée.