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claudine à l’école

teint et son chignon (le soleil fait jaunir les cheveux, ma chère !) son petit tablier bleu brodé de blanc, et le roman blanc à titre rouge En Fête ! qu’elle cache dans son panier. (C’est moi qui lui ai prêté les œuvres d’Auguste Germain pour l’initier à la grande vie ! Hélas, toutes les horreurs qu’elle commettra, j’en serai peut-être responsable.) Je suis sûre qu’elle se trouve poétiquement malheureuse, triste fiancée abandonnée, et qu’elle se plaît, toute seule, à prendre des poses nostalgiques, « les bras jetés comme de vaines armes », ou bien la tête penchée, à demi ensevelie sous ses cheveux épars. Pendant qu’elle me raconte les maigres nouvelles de ces quatre jours, et ses malheurs, c’est moi qui m’occupe des moutons et pousse la chienne vers eux : « Amène-les, Lisette ! Amène-les là-bas ! » c’est moi qui roule les « prrrr… ma guéline ! » pour les empêcher de toucher à l’avoine ; j’ai l’habitude.

« … Quand j’ai appris par quel train il partait, soupire Claire, je me suis arrangée pour laisser mes moutons à Lisette et je suis descendue au passage à niveau. À la barrière j’ai attendu le train, qui ne va pas trop vite là parce que ça monte. Je l’ai aperçu, j’ai agité mon mouchoir, j’ai envoyé des baisers, je crois qu’il m’a vue… Écoute, je ne suis pas sûre, mais il m’a semblé que ses yeux étaient rouges. Peut-être que ses parents l’ont forcé de revenir… Peut-être qu’il m’écrira… » Va toujours, petite romanesque, ça ne coûte rien d’es-