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claudine à l’école

verser. Je n’ai jamais eu de camarades de mon espèce, car les rares familles bourgeoises de Montigny envoient, par genre, leurs enfants en pension au chef-lieu, de sorte que l’école ne compte guère pour élèves que des filles d’épiciers, de cultivateurs, de gendarmes et d’ouvriers surtout ; tout ça assez mal lavé.

Moi, je me trouve dans ce milieu étrange parce que je ne veux pas quitter Montigny ; si j’avais une maman, je sais bien qu’elle ne me laisserait pas vingt-quatre heures ici, mais papa, lui, ne voit rien, ne s’occupe pas de moi, tout à ses travaux, et ne s’imagine pas que je pourrais être plus convenablement élevée dans un couvent ou dans un lycée quelconque. Pas de danger que je lui ouvre les yeux !

Comme camarades, donc, j’eus, j’ai encore Claire (je supprime le nom de famille), ma sœur de lait, une fillette douce, avec de beaux yeux tendres et une petite âme romanesque, qui a passé son temps d’école à s’amouracher tous les huit jours (oh ! platoniquement) d’un nouveau garçon, et qui, maintenant encore, ne demande qu’à s’éprendre du premier imbécile, sous-maître ou agent voyer, en veine de déclarations « poétiques ».

Puis la grande Anaïs (qui réussira sans doute à franchir les portes de l’École de Fontenay-aux-Roses, grâce à une prodigieuse mémoire lui tenant lieu d’intelligence véritable), froide, vicieuse, et si impossible à émouvoir que jamais elle ne