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LA REVUE DE PARIS

pages carrées couvertes de hiéroglyphes ! À la scène c’est un vacarme où l’on ne distingue rien, des flammes qui jaillissent dans des tourbillons de poussière, des thèmes vertigineusement empilés qui s’écroulent l’un sur l’autre comme des montagnes d’assiettes sur des millions de bouteilles fracassées et Brunnhilde tout en bas qui hurle silencieusement la bouche toute noire en agitant une lance au bout de son bras gras ! Ce n’est pas seulement cela ! Je voudrais être un prédicateur pour dire Regardez, chrétiens ! C’est un des plus grands génies que la terre ait portés qui constate son impuissance, l’imagination impuissante à recréer l’Éden, la Force se débattant sur elle-même et incapable de s’arracher du flanc le trait invisible de l’amour !

À gauche. — Le Cor s’est tu.

À droite. — Mais les cloches déjà commencent à se faire entendre.

À gauche. — Tannhäuser ! le terme de ton pèlerinage approche !

À droite. — Si nous avions un peu le sens de la véritable poésie, combien la vie de Richard Wagner nous paraîtrait plus merveilleuse que celle de l’amant de Vénus !

À gauche. — Déjà la rambleur de Tokyo commence à rougeoyer dans le ciel noir. Cher maître ! ne me ferez-vous pas grâce de votre développement sur Parsifal ! Je sais tellement ce que vous allez dire. Et il m’est venu en vous écoutant deux ou trois idées dans la tête auxquelles je voudrais réfléchir.

À droite. — Je vais vous étonner, mais je n’ai jamais entendu Parsifal. Je ne connais que l’ouverture et la scène religieuse de premier acte, c’est beau ! Et l’Enchantement du Vendredi-Saint que je n’ai pas compris.

À gauche. — Pourquoi n’êtes-vous jamais allé entendre Parsifal ?

À droite. — Pourquoi faire ? J’étais devenu catholique, qu’est-ce que Parsifal pouvait m’apprendre ? J’en savais plus long que Wagner. N’importe quel bon enfant du catéchisme en sait plus long que Wagner. Vous vous rappelez ces mots qui figuraient au dernier numéro de la Revue Wagnérienne d’Édouard Dujardin « Il y a quelque chose de plus beau que