Page:Claudel - La Messe là-bas, 1919.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Toutes choses sont situées dans une comparaison ineffable et c’est avec le cœur

Que nous nous sentirons faits de ce mot même qui leur est intérieur.

D’où vient ce surgissement en nous d’innocence comme une eau claire qui nous lave ?

D’où cette initiative étrange et cette touche sur notre cœur soudain si pressante et si suave ?

Tu le savais, Rimbaud, et dans ta chambre de Roche pleine de tant de visions et de batailles,

J’en veux pour témoins cette croix, ayant fini d’écrire, que tu gravas sur ta table de travail.

Mais d’abord tout ce grand territoire sauvage que ton siècle, rompant ses barrières, avait conquis,

C’était ta charge de l’arpenter de ton pied même et de l’inventorier au nom de l’esprit.

(C’était rouge, le coucher de soleil hier sur la forêt !

Ce matin de ton départ, en pleine nuit encore, que le souffle du matin était frais) !

Tout d’abord il y avait à faire le Tour du Monde !

Il y avait à être comme aux temps primitifs cette particule regardante du milieu des Eaux énormes et rondes.

(A cause des choses interposées le soleil de Dieu fait d’étranges jours sur la terre.

Voici le passant tour-à-tour blanc et noir à travers ces découpures d’ombre et de lumière),