Page:Claudel - La Messe là-bas, 1919.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Ces trois minutes qu’on se donne avant de recommencer à penser !

Pas le temps jamais de donner rien à personne sans que de force il n’ait réservé le meilleur.

Jamais ce sourire pour lui, mortel ou non, qu’au travers de l’impossibilité !

Quelque camarade émergé lui rappelle qu’il a fait ceci ou cela jadis, lui qui ne fut jamais au hasard des circonstances que leur coopérateur

Impromptu autant que momentané.


Du moins ces montagnes noires sous la pluie, et ces deux cocotiers là-bas dans la mer, maintenant est-ce assez l’exil ?

Ce cri sauvage dans les bois, — est-ce clair que je ne suis pas d’ici ?

Est-ce assez clair, ce pain, que la terre tout autour de moi en est stérile,

Et que le vin suppose ailleurs d’autres fruits ?


Mon Dieu, je Vous offre l’absence de tout !

Ce pain dérisoire sur ma table, ce vin fugitif, c’est comme si je communiquais avec Rien !

Ces choses en qui toute Apparence se résume, j’ai en moi de quoi les détruire assez bien

Pour qu’il ne reste plus que Vous !


Mon Dieu, je Vous offre ce grand désir d’exister !

Mon Dieu, je Vous offre ce grand désir d’échapper au hasard et à l’apparence !