Page:Claudel - Connaissance de l’est larousse 1920.djvu/93

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la pensée. Dépouillée de ton et de chaleur, c’est elle seule qui m’est proposée et la création tout entière se peint en noir dans son éclatante étendue. Solennelles orgies ! Antérieur au matin, je contemple l’image du monde. Et déjà ce grand arbre a fleuri : droit et seul, pareil à un immense lilas blanc, épouse nocturne, il frissonne, tout dégouttant de lumière.

Ô soleil de l’après-minuit ! ni la polaire au sommet du ciel vertigineux, ni le feu rouge du Taureau, ni au cœur de cet arbre profond cette planète que cette feuille en se soulevant découvre, claire topaze ! n’est la reine qui m’est élue ; mais là-haut l’étoile la plus lointaine et la plus écartée et perdue dans tant de lumière, que mon œil battant d’accord avec mon cœur ce coup, ne la reconnaît qu’en l’y voyant disparaître.