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LA PLUIE


Par les deux fenêtres qui sont en face de moi, les deux fenêtres qui sont à ma gauche et les deux fenêtres qui sont à ma droite, je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie. Je pense qu’il est un quart d’heure après midi : autour de moi, tout est lumière et eau. Je porte ma plume à l’encrier, et, jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique, tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.

Ce n’est point de la bruine qui tombe, ce n’est point une pluie languissante et douteuse. La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru, d’une attaque puissante et profonde. Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier, dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare ! Il n’est point à craindre que la pluie cesse ; cela est copieux, cela est satisfaisant. Altéré, mes frères, à qui cette très merveilleuse rasade ne suffirait