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LA SOURCE


Le corbeau, comme l’horloger sur sa montre ajustant sur moi un seul œil, me verrait, minime personnage précis, une canne semblable à un dard entre les doigts, m’avancer par l’étroit sentier en remuant nettement les jambes. La campagne entre les monts qui l’enserrent est plate comme le fond d’une poêle. À ma droite et à ma gauche, c’est immensément le travail de la moisson ; on tond la terre comme une brebis. Je dispute la largeur de la sente et de mon pied à la file ininterrompue des travailleurs, ceux qui s’en vont, la sape à la ceinture, à leur champ, ceux qui s’en reviennent, ployant comme des balances sous le faix d’une double corbeille dont la forme à la fois ronde et carrée allie les symboles de la terre et du firmament. Je marche longtemps, l’étendue est close comme une chambre, l’air est sombre, et de longues fumées stagnantes surnagent, telles que le résidu de quelque bûcher barbare. Je quitte la rizière rase et