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Je vois la Pagode au loin entre les bosquets de bambous, et, prenant à travers champs, je coupe au court.

La campagne est un vaste cimetière. Partout, des cercueils ; des monticules couverts de roseaux flétris, et, dans l’herbe sèche, des rangées de petits pieux en pierre, des statues mitrées, des lions, indiquent les sépultures antiques. Les corporations, les riches, ont bâti des édifices entourés d’arbres et de haies. Je passe entre un hospice pour les animaux et un puits rempli de cadavres de petites filles dont leurs parents se sont débarrassés. On l’a bouché, une fois comble ; il en faudra creuser un autre.

Il fait chaud ; le ciel est pur ; je marche dans la lumière de Décembre.

Les chiens me voient, aboient, s’enfuient ; j’atteins, je dépasse les villages aux toits noirs, je traverse les champs de cotonniers et de fèves, les ruisseaux sur de vieux ponts usés, et, laissant à ma droite de grands bâtiments déserts (c’est une usine à poudre), j’arrive. On entend un bruit de sonnettes et de tambour.

J’ai devant moi la tour à sept étages. Un Indien à turban doré, un Parsi coiffé d’un coude de poêle en soie prune y entrent ; deux autres messieurs circulent sur le dernier balcon.

Il faut d’abord parler de la Pagode proprement dite.