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et de tout nœud, garde une inviolable rectitude. On ne lui voit point de rameaux, mais çà et là ses feuillages, qui, selon le mode des pins, s’indiquent non par la masse et le relief, mais par la tache et le contour, flottent comme des lambeaux de noire vapeur autour du pilier mystique, et à une même hauteur, la forêt de ces troncs rectilignes se perd dans la voûte confuse et les ténèbres d’une inextricable frondaison. Le lieu est à la fois illimité et clos, préparé et vacant.

Les Maisons merveilleuses sont éparses par la futaie.

Je ne décrirai point tout le système de la Cité ombragée, telle que le plan en est sur mon éventail consigné d’un trait minutieux. Au milieu de la forêt monumentale, j’ai suivi les voies énormes que barre un torii écarlate ; à la cuve de bronze, sous un toit rapporté de la lune, j’ai empli ma bouche de la gorgée lustrale ; j’ai gravi les escaliers ; j’ai, mêlé aux pèlerins, franchi je ne sais quoi d’opulent et d’ouvert, porte au milieu de la clôture comme d’un rêve formée d’un pêle-mêle de fleurs et d’oiseaux ; j’ai, pieds nus, pénétré au cœur de l’or intérieur ; j’ai vu les prêtres au visage altier, coiffés du cimier de crin et revêtus de l’ample pantalon de soie verte, offrir le sacrifice du matin aux sons de la flûte et de l’orgue à bouche. Et la