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X

À huit jours de là, Fierce, s’éveillant un matin, s’accouda au sabord.

Par un caprice de la saison, il avait plu pendant la nuit, — une averse courte et diluvienne, comme il en tombe une fois par mois en pleine époque sèche. Et l’air en conservait une fraîcheur printanière, quoique le ciel flambât déjà, incendié par le soleil. Fierce observa que la rive gauche du Donaï, ensevelie sous la verdure, s’étageait en nappes superposées : tout au bas, penchés sur le courant, c’étaient les roseaux, les bananiers, les palmiers nains, — pressés, tassés, sans un trou, sans une fente dans leur haie opaque. Au-dessus, les magnolias, les banians, les acacias, les tamarins alternaient avec les bambous en gerbes ; et les couleurs gracieusement nuancées se mariaient : le gris tendre des bambous, le vert luisant des mandariniers, le brun métallique des fusains à feuilles rondes. Des myriades de fleurs piquetaient les feuillages, — des fleurs blanches, des fleurs jaunes, des