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Ce n’est pas très amusant. Quand même, c’est plus amusant que la vie de Paris ; — plus éclectique et moins menteur. — La débauche parisienne n’a pas grand’chose à envier à la débauche exotique, quant au fond ; mais elle s’embarrasse hypocritement de volets clos et de lampes baissées. Ailleurs, les gestes voluptueux n’ont point peur du soleil. Or, Fierce par-dessus tout continue d’aimer la sincérité.

Il s’est fait un métier de la chercher partout, — en Chine, à Sumatra ou aux Antilles ; — dans les philosophes reliés de velours gris qui garnissent, au-dessus de son lit, sa bibliothèque de fer forgé ; — sur les lèvres brunes ou roses de beaucoup de maîtresses caressées au hasard des relâches et des escales ; — au fond de trop de flacons et de trop de bouteilles, et parmi toutes les sortes de fumées connues en ce monde mesquin, — fumées d’opium, — fumées de haschisch ; — fumées d’éther ; — dans les théories positives et rigoureuses d’un Torral, dans l’égoïsme épicurien d’un Mévil, dans sa propre gouverne impulsive et indifférente. Toutes les bribes de vérité découvertes, tous les bouts de voiles arrachés n’ont point réussi à le satisfaire. Il a goûté à tout et s’est dégoûté de tout. Il continue cependant à vivre, et il abuse de la vie, trouvant fade d’en user seulement.

Son père et sa mère sont morts. De ce double deuil il a tiré quelque mélancolie et peu de tristesse. Libre et riche, il poursuit le même chemin, faute d’en savoir un meilleur, qu’il désire toutefois obscurément.

Un vieil amiral, idéaliste et candide, s’est épris de