Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/333

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

entier : le navire a chaviré sur le flanc ; — et, la seconde d’après, le pont s’enfonce, et la carène apparaît, — les préceintes, la quille, les hélices qui continuent de tourner hors de l’eau. Le King-Edward flotte une minute, sens dessus dessous ; puis il bascule en arrière, la poupe sombrant tout à coup, l’éperon émergeant pour menacer le ciel. Et droit comme un homme qui plonge les pieds en avant, le King-Edward disparaît dans la mer.

Le torpilleur sombre aussi. Fierce, heureux, souriant, flotte à demi sur la passerelle que les vagues caressent. Il ne souffre pas, trop affaibli. Il n’y a plus du tout de sang dans ses veines. Et il s’endort au sein de la mer berceuse, en gardant dans ses lèvres, comme un viatique, le nom de Sélysette.

... En même temps qu’à Saïgon, dans sa chambre, agenouillée sous son christ, Mlle Sylva miséricordieuse prie pour « ceux qui sont sur mer. »

  Stamboul, an 1321 de l’hégire.

Fin