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XXXIII

Dix-sept mai 19… — Dix heures du soir. Pas de lune. Ciel opaque, lourd de pluie.

En file indienne, les torpilleurs de Saïgon descendent silencieusement le fleuve, marchant à l’ennemi ; — sept torpilleurs, — le ban et l’arrière-ban de l’arsenal ; — on a fait flèche de tout bois : il s’agit d’un coup de main suprême pour débloquer la ville avant l’arrivée des régiments d’Hong-Kong. Quatre torpilleurs sont armés régulièrement ; les autres ont reçu des équipages de fortune, racolés comme on a pu parmi les hommes des croiseurs et des canonnières ; et l’amiral d’Orvilliers leur a donné ses aides de camp pour capitaines.

Point de feux de route, point de signaux, rien qu’on puisse apercevoir. Les torpilleurs noirs glissent obscurément dans la nuit.

Un banc de quart grand comme une table à thé, cerclé d’une rambarde de fer ; Fierce est là, ses mains serrant le métal mouillé. Dessous, l’homme de barre,