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les yeux grands ouverts. Sur son vêtement blanc, la roue terreuse avait tracé comme un grand-cordon rouge, de la hanche à l’épaule. La Mort indulgente avait respecté le visage, sur quoi se répandait déjà une beauté suprême, très calme.

Mme Malais courut, s’agenouilla, saisit éperdument la tête inerte. Les yeux remuèrent un peu, les lèvres se froncèrent comme pour un baiser, — un baiser rouge et chaud, parce que le sang teintait la bouche ; — et ce fut tout ; le cœur cessa de battre, le rideau des paupières tomba.

Le gardien du tombeau sortait de sa maison. Aidé du saïs, il porta le corps sous le mausolée. Silencieuse, Mme Malais tira son mouchoir et couvrit la face morte. Un peu de rose transparut sous la batiste, marquant les lèvres qui saignaient.

Mme Malais se pencha, — et, pitoyable, amoureuse peut-être, baisa doucement la marque rose…

Puis elle s’en alla, pleine de trouble ; et le parfum de son baiser s’évapora sur les lèvres du mort. Raymond Mévil, froid et raide, entra dans le repos éternel.