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III

Au cercle, le dîner finissait.

Leur table avait été dressée au bout de la véranda, entre deux colonnes, et l’on avait relevé les stores, pour que l’haleine de la nuit pût entrer. Sous les corolles électriques, un joli luxe de cristallerie faisait arc-en-ciel, et il y avait un chemin d’orchidées et d’hibiscus. Les pankas remuaient de l’air au-dessus des convives ; il faisait presque frais, et quoique l’on vit, par les portes ouvertes, la salle à manger pleine de gens qui faisaient du bruit, on avait, sur ce coin de terrasse, une impression charmante de demi-solitude et de quasi-recueillement.

Le dîner finissait. Les boys annamites, aux gestes feutrés, apportaient dans des corbeilles de rotin les fruits asiatiques que l’Europe ne sait pas : les bananes mouchetées comme des panthères, les mangues rousses comme des Vénitiennes, les letchis en argent diaphane, les mangoustans en neige miellée et les