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Cette femme sera vous, ou nulle autre, car je vous aime passionnément, comme je n’ai jamais aimé. — Ne répondez pas ! pas encore. — Il n’y a rien dans mes paroles dont vous puissiez être offensée. Réfléchissez ; prenez du temps ; demandez conseil. J’attendrai deux jours, trois jours, une semaine… Et songez surtout que ma vie est à vous, et mon sort entre vos mains. »

Il s’inclina bas et marcha vers la porte. Debout, les sourcils froncés, Marthe Abel l’avait laissé dire. Elle le rappela.

— « N’attendez rien, monsieur, c’est inutile ; — elle parlait net, ses yeux froidement appuyés sur lui ; — je vous ai dit non ; ce non ne changera pas, — jamais. Je suis sensible, croyez-le, à l’honneur de votre recherche ; j’en suis même flattée, car je sais votre nom, votre vie, votre fortune, et tous vos autres avantages que vous avez eu le bon goût de me taire. Mais je ne veux pas me marier avec vous. — Mettons, par exemple, s’il vous faut absolument une raison de mon refus, que je suis trop jeune.

— Suis-je trop vieux ? je n’ai pas trente ans… »

Elle sourit, impertinente.

— « Ah ? je croyais davantage. Mais brisons là, s’il vous plaît. Je présume que cette discussion est pénible pour vous, autant que pour moi. Je vous ai dit non deux fois, et j’aurais cru qu’une suffisait à votre amour-propre, sinon à votre curiosité ? »

Il s’anima.

— « Il s’agit bien de mon amour-propre ! Il y a