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— Tant mieux pour Sélysette, qui mérite beaucoup de bonheur. »

Mévil regarda la pendule : dix minutes perdues, déjà. Il songea tout à coup qu’un visiteur pouvait surgir. Le fossé était là, qu’il fallait sauter. Il prit son élan.

— « Un mariage, c’est un exemple à suivre. Qu’en pensez-vous ?

— Un bon exemple, ou un mauvais ? »

Elle riait de son rire particulier, bref et sans gaîté

— « Un bon, affirma sérieusement Mévil. Quand le suivrez-vous ?

— Moi ? Je n’y pense pas encore, — pas du tout. — D’autres y pensent peut-être, en vous regardant.

— Croyez-vous ? » dit-elle, indifférente.

II brûla ses vaisseaux.

— « J’en connais… un au moins… qui n’aspire qu’à vous et ne rêve que de vous. »

Elle le regarda très attentivement.

« Et vous savez qui, acheva-t-il en se levant.

— Est-ce vous, par hasard ? » — Elle recommençait à rire.

— « C’est moi. »

Elle n’hésita pas une seconde.

— « Mon Dieu ! vous auriez dû me prévenir. C’est une déclaration ? ou une demande officielle ?

— Les deux. »

Elle riait toujours, on ne peut plus calme.

— « Mettons tout ça en musique, voulez-vous ? »

Elle s’assit au piano, plaqua deux accords, et lança