Page:Claude Farrère - Les civilisés, 1905.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

II

« Cap’taine Torral, » grogna Mévil à ses coureurs en redescendant.

La visite avait été courte. Il s’était heurté contre une femme défensive, presque monosyllabique.

Maussade pour une minute, — les soucis couraient à sa surface plus vite que les risées sur la mer, — il s’enfonça dans son pousse en abaissant sur ses yeux la visière de son casque de liège. Mais une Victoria passa, et il se leva vite pour saluer deux femmes qui s’y trouvaient. Et il murmura, distrait déjà de son mécompte : Voilà qu’on commence à sortir ; je risque de manquer Torral.

Torral était le seul homme de Saïgon qu’il fréquentât sans arrière-pensée ni calcul : Torral n’était pas marié, et se portait bien, — deux raisons de ne pas attirer un médecin qui aimait les femmes.

Quand même, et malgré le contraste tranchant de leurs goûts et de leurs vies, ces deux hommes cultivaient une façon d’amitié.