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XXI

M. Jacques de Fierce à Mlle Sélysette Sylva.

« J’aurais voulu, ma Sélysette aimée, vous envoyer chaque soir un baiser tout pareil à celui que j’ai mis sur votre front, la veille du triste départ. El cette pauvre joie, la seule qui aurait adouci mon exil, il me faut y renoncer : point de paquebot pour Saïgon d’ici à bien des jours ; le courrier de Cochinchine est parti d’Hong-Kong avant l’arrivée du Bayard ; cette lettre, j’ignore même si vous la lirez : quand et comment partira-t-elle ?

« Et vos lettres à moi, les recevrai-je ? J’en ai si grand besoin ! Vous êtes dans ma vie comme le phare qui nous a guidés l’autre nuit le long d’Haï-nan : sans lui, Dieu sait à quels écueils se serait jeté notre Bayard ; sans vous, je ne sais pas du tout où irait ma vie. Je ne veux même pas le supposer, parce que cela me fait peur. J’étais un malade, et vous avez été mon guérisseur ; mais, privé de médecin, il me semble que ma fièvre va me ressaisir…