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XX

Par la passe ouest, le Bayard entrait à Hong-Kong sa coque effilée tranchant l’eau sans remous. La foule des sampans et des jonques grouillait pour lui faire place, et les canons des forts répondaient à son salut.

Les montagnes cernaient la rade comme un lac. Dans ce lac, tous les navires du monde semblaient s’être donné rendez-vous, et Hong-Kong était un caravansérail asiatique entre l’Amérique et l’Europe. Dès l’entrée, c’étaient des voiliers à l’ancre le long des falaises, d’énormes trois-mâts chargés de riz, qui reflétaient dans la mer calme leurs coques vertes, roses, blanches ou bleu de ciel, — un bariolage d’aquarelle impressionniste. Après, collés aux premiers appontements des avant-ports, les charbonniers apparaissaient, couleur d’encre, si bas sur l’eau qu’on n’en voyait que les mâts et les cheminées. Eux étaient l’avant-garde des vapeurs, et le gros suivait, éparpillé sur toute l’étendue de la rade ; — des vapeurs laids et sales, quelques-uns se déchargeant avec fracas dans