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moins cuirassé, écouta flegmatique, jusqu’au bout, puis se leva et jeta la femme dehors ; — non qu’il fût offensé le moins du monde ; mais il trouvait inconvenant qu’une maîtresse osât lui parler autrement qu’avec servilité. Liseron, d’ailleurs, esclave révoltée, faillit crier et se défendre : mais elle vit les yeux de son amant, — des yeux mauvais qui conseillaient d’obéir, et elle se sauva, cognant ses épaules aux battants de la porte. Mévil revint à sa chaise longue et bâilla.

Fierce seul avait rougi. Il ne prononça pas un mot et ne leva pas un doigt. Mais une honte bizarre lui montait au visage. Il ne trouvait pas en lui la ressource de mépriser l’injure partie de bas ; il en était mordu comme par une eau-forte, comme par la vérité ; — il n’était pas sûr que ce ne fût pas la vérité.

… La congaï, blottie derrière la chaise longue, s’était tue, peureuse, tant que Liseron avait parlé. Après, elle risqua un rire aigu que Mévil arrêta d’une tape. Ce fut tout le commentaire de l’aventure. Torral reprit sans trouble sa phrase interrompue et ses conseils :

— « Tu as tort, dit-il à Mévil, de ne pas réagir contre ton obsession. Ce soir, je dîne à Cholon ; j’ai invité Fierce qui refuse, pour cause d’anémie intellectuelle ; rien ne nous empêchera donc de nous débaucher comme il convient, modérément. Huit jours de chasteté sont un excès.

— De qui est-il amoureux ? demanda Fierce.

— De Mme Malais, » dit Torral en le regardant.