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Celle-ci était jolie, autant qu’il est permis à sa race bâtarde, — alliage fâcheux du bronze hindou et de l’ambre chinois, incompatibles.

— « C’est vous ? » dit Mévil sans se soulever ; — Torral et Fierce entraient.

La congaï, câlinement blottie près du maître, souriait aux visiteurs amis, avec une grimace aux lèvres et une coquetterie aux cils.

Quand ils se retrouvaient, il n’y avait point entre eux d’effusion cordiale. Leur amitié n’était qu’une concordance d’opinions et d’intelligences, une association d’égoïsmes parallèles, signée sans tendresse pour la poursuite plus facile du maximum de jouissance. À quoi bon des poignées de main puériles et menteuses ?

— « Tableau de famille » railla Torral en regardant la congaï.

Ils causèrent de choses quelconques. Fierce donna les nouvelles politiques du jour : elles n’étaient pas bonnes, à l’avis du vieux d’Orvilliers, qui continuait de prophétiser feu et flamme. Les exercices militaires de tous genres se succédaient sans trêve à bord du Bayard, et toute l’escadre s’agitait dans un tumulte guerrier.

— « Trépidation sénile ? » questionna Torral.

Fierce allongea les lèvres en moue indécise.

— « J’ai cru d’abord. Maintenant, je ne sais plus… »

La persistance des bruits alarmants l’étonnait, et davantage le mouvement de concentration des escadres anglaises sur tous les océans du globe.