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Ressemblance de hasard : Mévil se vantait d’être suffisamment civilisé pour que tous les sangs de toutes les origines se fussent mélangés dans ses artères également.

Le pousse trottait entre les arbres des rues, à l’abri du soleil oblique, mais meurtrier quand même comme une massue. Du bout de sa canne, le maître guidait les coureurs. Pour les arrêter, il dit : « Toï ! » en les frappant sur l’épaule. Et ils entrèrent dans un jardin qui précédait une villa. Le long de la grille, plusieurs voitures attendaient, avec des grooms annamites, hauts comme leurs bottes, cramponnés aux mors des chevaux.

— « Tiens, fit Mévil, c’est le jour de cette chère petite, je n’y avais pas pensé. »

Il hésita, puis haussa les épaules, et chercha dans sa poche un porte-cartes dont il vérifia le contenu, — plusieurs billets de la Banque Indo-Chinoise. Après quoi, Raymond Mévil jeta sa canne à l’un des boys accourus au-devant de lui, et entra.

La maison, vieille et vaste, était tout à fait coloniale. Deux antichambres conduisaient au salon, relégué dans l’aile la plus sombre, et prolongé par une véranda fermée de stores opaques. Tout cela était grand à s’y perdre, et haut comme une église ; les cloisons ne montaient pas jusqu’au plafond, et l’air tiède circulait sous les solives. En bas, il faisait frais, et les meubles, tous d’ébène inscruté de nacre, fleuraient une odeur indigène.

Dans le vestibule, Raymond Mévil heurta quelqu’un