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ainsi qu’en bien d’autres, quelque chose comme un suave malentendu, dont elle n’était, d’ailleurs, que plus solide.

Stéphane Mallarmé reçut, en 1892, l’hommage du premier poème symphonique écrit par Debussy : le Prélude à l’après-midi d’un Faune, inspiré d’un poème ancien déjà, car il fut écrit en 1876, pour Coquelin ainé.

Arcane tel élut pour confident
Le jonc vaste et jumeau dont sous l’azur on joue,
Qui, détournant à soi le trouble de la joue,
Rêve dans un solo long que nous amusions
La beauté d’alentour par des confusions
Fausses entre elle-même et notre chant crédule.

Cet appel à la musique fut entendu : avant les vers savants de l’églogue, une flûte réelle éleva la plainte de son désir. Par une alliance bienfaisante, le musicien, au lieu d’attacher un chant aux syllabes du poète, n’en voulut retenir que le sentiment, pour le traduire à sa manière, et ainsi préparer l’esprit aux subtilités verbales. La musique prit donc sur soi d’éclaircir le poème, contrairement aux aphorismes de Mallarmé, pour qui « la musique sans les lettres se présente comme très subtil nuage ; elles, une monnaie si courante » ; ou encore son charme est « vain, si le langage, par la retrempe et l’essor purifiant du chant, n’y confère un sens ».