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retombe pas, loutes les deux mesures, sur l’aplomb d’une cadence, si elle suit le rythme de la phrase et ne fait pas violence à l’accent des paroles, il ne faut pas la croire informe pour cela. Même lorsqu’elle s’immobilise sur la même note, ce n’est pas pour imiter le ton du discours, variable sans cesse. C’est pour peindre, par une métaphore toute musicale, le demi-jour du recueillement ou de la réticence. Ce sont des lignes dont le caractère persiste, même si on leur retire le soutien des mots. Loin de les effacer ou de les briser, il faut prendre soin de les soutenir, et les nourrir.

Enfin, l’euphonie est partout requise : il faut éviter que les archets grincent, que les anches claquent, que les flûtes frottent, que les cuivres cornent aux oreilles, que les cordes du piano soient arrachées, celles des gosiers râpées. Pour parer à ces disgrâces, il convient que l’artiste prenne l’habitude de s’écouter ; que les répétitions d’orchestre se fassent dans une salle dont l’acoustique ne soit pas trop rébarbative ; que le pianiste, attentif à son toucher, sente le son au bout de ses doigts ; que le chanteur ne fasse jamais violence à sa voix ; que les uns et les autres enfin gardent de la douceur dans la force, de la force dans la douceur. Il faut que tout se suive et se tienne. Cette musique doit être baignée d’harmonie ; elle ne supporte aucune laideur, même intelligente.