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Toutefois je ne puis lui céder ma Princesse,
Et quand trop de puissance étonne ma faiblesse,
À ma flamme en secret je prête cet appui,
Il peut tout, il est Dieu, mais j’aime plus que lui,
Et s’il faut à son rang céder tout l’avantage,
Quiconque a plus d’amour mérite davantage.

SÉMÉLÉ.

Qui vous fait présumer qu’il aime moins que vous ?
Mais je veux que son cœur ne soit pas tout à nous,
Je veux que d’autres soins occupent sa mémoire ;
Un regard que pour nous il dérobe à sa gloire,
Un penser détourné des soins de sa grandeur,
Un seul soupir vaut plus que toute votre ardeur.

ALCMÉON.

Ah ! Princesse, l’amour parle un autre langage ;
La seule ambition touche votre courage.

SÉMÉLÉ.

Quoi le grand Jupiter, un si parfait amant,
Ne peut-il d’un cœur tendre être aimé tendrement ?

ALCMÉON.

Peut-on l’aimer ainsi si son cœur est volage ?

SÉMÉLÉ.

Il suffit un moment d’avoir cet avantage :
Ce moment glorieux répand sur l’avenir
L’éternelle douceur d’un si beau souvenir.
Je vous perds à regret, et mon cœur en soupire ;
Je sais que votre hymen me promet un Empire ;
Mais l’hommage d’un Dieu, fût-il d’un seul moment,
Vaut cent trônes offerts des mains d’un autre amant.

ALCMÉON.

Poussez jusques au bout cette belle maxime :
Ce digne emportement rend le mien légitime ;
Méprisez le pouvoir et d’un père et d’un Roi ;
Faites tout pour ce Dieu, je ferai tout pour moi.