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Tu vois ici Junon sous ce nouveau visage.

MOMUS.

Je viens de vous laisser dans un autre équipage,
La maîtresse des Dieux se déguiser ainsi ?
Je blâmais Jupiter et je vous blâme aussi.
C’est sans doute un effet de votre jalousie.

JUNON.

Toi qui sais les transports de cette frénésie,
Pourquoi m’as-tu fait voir en ami peu discret,
(Par zèle ou par chagrin) cet asile secret,
Que Jupiter exprès a fait pour sa maîtresse ?

MOMUS.

Je ne puis rien cacher, c’est mon faible Déesse.
D’ailleurs si de ce Dieu j’évente le secret,
C’est un juste dépit qui me rend indiscret ;
Quand pour servir sa flamme on m’érige en Mercure,
Je trahis son amour pour venger mon injure.

JUNON.

Et j’ai su profiter d’un secret éventé,
Faisant évanouir le jardin enchanté,
Et trompant Sémélé dessous cette apparence,
Elle croit mes avis, les suit sans défiance,
Et de ces faux conseils ignorant le danger…

MOMUS.

Quoi toujours dans l’esprit le soin de vous venger ?

JUNON.

Verrai-je sans courroux ces amours infidèles,
Et tout mon bien en proie à des beautés mortelles ?

MOMUS.

Et ne savez-vous pas Déesse qu’un grand Dieu
Ne saurait s’empêcher d’aimer en plus d’un lieu ?
Qu’ayant un riche fonds de tendresse et de flamme,
Il en peut dérober quelque part à sa femme.