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Et quoique le secret soit fatal à ma gloire,
Qu’importe on en croira ce qu’on en voudra croire.
Ce procédé n’est pas d’un véritable amant :
Un Dieu qui craint les bruits aime bien faible ment.
Pour moi je ne crains pas de dire qu’un Dieu m’aime.
Donnez m’en la licence, ou je la prends moi-même.
Contre un père en courroux, contre tout son pouvoir
Je n’ai que cet aveu pour sauver mon devoir,
Et je crois qu’un amour, dont mon âme est si fière,
Est trop noble et trop beau pour craindre la lumière.
Cependant avouez que j’aime plus que vous.
Je le vois bien, les Dieux n’aiment pas tant que nous :
Les Dieux n’ont pas le temps d’aimer comme on les aime,
Le soin de votre gloire et l’amour de vous-même
Vous peuvent-ils pour nous laisser quelques désirs ?
Mais vous êtes vous seul ma gloire et mes plaisirs :
Ainsi loin de cacher cette flamme divine ;
J’en veux vanter partout l’adorable origine,
Et faire voir partout un feu si glorieux.

JUPITER.

Et n’est-ce pas assez qu’il paraisse à vos yeux ?
Un témoin comme moi suffit pour votre gloire.

SÉMÉLÉ.

Je veux que tout le monde apprenne ma victoire,
Et ne croirai jamais qu’on m’aime tendrement,
Si le grand Jupiter rougit du nom d’amant :
Ma gloire en cet état est toujours imparfaite.

JUPITER.

Hé bien que tout le monde apprenne ma défaite :
Il faut bien satisfaire à votre ambition ;
Que mon amour éclate aussi loin que mon nom.

SÉMÉLÉ.

Après un tel aveu je brave la colère
Des hommes et des Dieux, d’un amant et d’un père.