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Dans le sang d’Agenor vous trouvez des appas,
Que dans un autre sang vos yeux ne trouvent pas.
On vous voit tous les jours courir de belle en belle,
Aimez-vous ces beaux noms d’inconstant, d’infidèle ?
N’est-il point de beauté qui vous puisse arrêter,
Les Dieux n’ont-ils point honte de coqueter ?

JUPITER.

Momus, veux-tu toujours censurer et médire ?
N’as-tu jamais connu le souverain Empire,
Qui force au changement le plus puissant des Dieux ?
Vois comme c’est en nous un défaut glorieux.
Quand j’aime une beauté, d’abord je vois en elle
Tout ce qu’a de charmant une beauté mortelle ;
La lumière d’un Dieu découvre en un moment
Tout ce qui peut toucher les désirs d’un amant.
Un mortel a besoin de temps et de lumière,
Pour faire à son amour une digne matière ;
Mais un Dieu pour ce choix n’a pas besoin de temps :
Il voit tout d’un coup d’œil et dehors et dedans ;
Son esprit convaincu d’un mérite adorable,
Aime d’abord, autant que l’objet est aimable,
Et par un feu divin qui peut tout enflammer,
Il embrase l’objet qui vient de le charmer.
Ce violent Amour vient à peine de naître,
Qu’il est victorieux autant, qu’il le peut être,
Et dès lors qu’il jouit avec tant d’ardeur,
Sa flamme à son objet applique tout son cœur,
Qu’au même instant qu’un Dieu possède une maîtresse,
Il épuise sa joie et toute sa tendresse :
Ainsi le cœur d’un Dieu presque en un seul moment,
Aime, se fait aimer, et cesse d’être Amant.
Toi qui n’aimas jamais, tu sais mal comme on aime.

MOMUS.

Peut-être Jupiter, l’ignorez-vous vous-même :