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Du côté de ce bruit me fait tourner la vue.
À mes pieds aussitôt je vois fondre une nue,
Qui s’étant entr’ouverte offre à mon œil charmé
Tous les appas d’un Dieu quand il veut être aimé.
Sa Majesté d’abord trouble toute mon âme :
Puis un regard mêlé de tendresse et de flamme,
Comme un brillant amas de force et de douceur,
Me lance un trait de feu jusques au fond du cœur.
Pour mon premier amour ma raison s’intéresse ;
Mais elle le défend avec tant de faiblesse,
Que dans le doux penchant de cette trahison
Mon cœur gagné sans peine entraîne ma raison.
Jupiter qui connaît mon désordre et sa gloire,
Par la parole enfin achève sa victoire ;
Il me flatte, il me loue, et de la main des Dieux
Tu sais combien pour nous l’encens est précieux.
Ce Dieu qui sait l’orgueil qui suit notre faiblesse,
Et ce que peut un Dieu qui flatte et qui caresse,
Lui qui de la fierté se doit faire une loi,
Avare des douceurs, les prodigue pour moi.
Que ne puis-je exprimer la douce violence
Que fit à mon esprit cette tendre éloquence ?
Je dévore aussitôt avec avidité
Ce poison de mon cœur et de ma liberté :
Tous mes sens éblouis de cet amas de charmes,
Contre un Dieu, sans raison, sans défense et sans armes,
Je me perds, je m’égare au milieu d’un beau jour.
Et n’ai des mouvements que ceux de mon amour ;
Je ne me connais plus dans ce désordre extrême ;
Je ne vois ni le parc, ni le Dieu, ni moi-même :
Une extase amoureuse, un doux enchantement…
Que te dirai-je enfin de cet heureux moment ?
S’il fallait t’expliquer tout ce que j’en dois croire…
Mais Jupiter m’attend et je pers la mémoire :
J’en dirai davantage un jour plus à loisir.