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Ma gloire est de lui plaire et c’est assez pour nous.

MELPOMÈNE.

Ne puis-je pas ma sœur, ne m’est-il pas facile
De joindre quand je veux l’agréable à l’utile ?
Est-il rien d’aussi beau qu’un transport glorieux
Que pousse avec éclat un cœur ambitieux,
Qu’une intrigue de Cour menée avec adresse,
Qu’un entretien mêlé de flamme et de tendresse ?
Quelle douceur alors qu’un malheureux amant,
Touche le spectateur d’un tendre sentiment !
Lorsque je fais agir cette adresse admirable
Et ce bel art qui rend la douleur agréable,
Et qui des maux d’autrui nous faisant soupirer
Fait trouver si souvent de la joie à pleurer.
Pour vous qui vous piquez de divertir le monde
Donnez-vous une joie et solide et profonde ?
Le ris, l’emportement, n’ont qu’un charme trompeur,
Les sensibles plaisirs sont dans le fond du cœur,
Et ce sont là ma sœur les plaisirs que je donne.

THALIE.

Vos charmes sont puissants, mais on vous abandonne,
On ne veut plus de vous, tout le monde est pour moi.
Et pour vous en parler ici de bonne foi,
La pompe de vos vers plaît moins que ma satire ;
Apprenez que pour plaire, il faut savoir médire :
Voilà tout le secret pour aider mon dessein,
Il se glisse en naissant dans tout le genre humain
Un chagrin qui s’attache à la plus belle vie,
Une maligne humeur que l’on appelle envie.
Par là la médisance a des charmes pour tous ;
Surtout en déguisant sa malice et ses coups
Sous une délicate et fine raillerie.
Pour mordre impunément il suffit qu’on en rie.

MELPOMÈNE.

Ce sont là des secrets dont je fais peu de cas,