Nul désir corrodant, nul transport ne seconde
La fougue et les élans de mes fortes amours.
L’amour, comme la séve, a ses lois et sa force,
Force et lois qu’on ne peut comprimer sans péril ;
L’un déchire le cœur, l’autre crève l’écorce.
La séve fait le chêne et l’amour rend viril.
D’où vient que dans mes bras, comme un bloc de porphyre,
Ses flancs voluptueux restent toujours glacés ?
C’est à peine, autrefois, si je pouvais suffire
À celle qui jamais ne savait dire : Assez !
Elle avait des baisers, dans sa folle allégresse,
Des baisers enivrant ainsi qu’une liqueur !
Et je la bénissais, même quand la tigresse
Passait en minaudant ses griffes sur mon cœur !
Elle aimait que sa voix, mêlée à la voix aigre
Du grillon babillard, se perdît dans le vent,
Et se plaisait à voir l’ombre de mon corps maigre
S’estomper dans la nuit sur les murs d’un couvent.
Méprisant sans pitié ceux qui bayent aux grues,
Elle honorait partout les fronts intelligents,
Et ne s’exerçait point à tirer par les rues
Des coups de pistolet pour attrouper les gens.
À ranimer la muse en vain je m’évertue
Elle est sourde à mes cris et froide sous mes pleurs :
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