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moi, monsieur, qui vous apporte la bière. — Est-elle blanche ? — Oui monsieur. — Bien : déposez-la dans l’antichambre et revenez chercher les bouteilles demain. » L’homme obéit et se retire. Mais quelle est votre surprise quand, accourant sur ses pas, vous vous trouvez nez à nez avec un cercueil !

Ces sortes de plaisanteries égayaient beaucoup Pétrus. Aussi, à la page suivante, décrivant avec des couleurs fantastiques la fête des croque-morts à la Toussaint, il s’en donne cette fois à cœur-joie, il jongle, pour ainsi dire, avec l’horrible.

Il fallait voir, écrit-il, avec quelle magnificence inouïe se célébrait autrefois le jour des morts. C’est la fête des Pompes, c’est le carnaval du croque-mort ! Qu’il semblait court ce lendemain de la Toussaint, mais qu’il était brillant !… Dès le matin, toute la corporation se réunissait en habit neuf, et, tandis que MM. les fermiers, dans le deuil le plus galant, avec leur crispin jeté négligemment sur l’épaule, répandaient leurs libéralités, les verres et les bouteilles circulant, on vidait sur le pouce une feuillette. Puis un héraut ayant sonné le boute-selle, on se précipitait dans les équipages ; on partait ventre à terre, au triple galop, et l’on gagnait bientôt le Feu d’Enfer, guinguette en grande renommée dans le bon temps. Là, dans un jardin solitaire, sous un magnifique catafalque, une table immense se trouvait dressée