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portrait de vieux viveur si bien joué par Ravel ? Point de dignité, partant point de respect. « Je m’en vais en Bohême », dit-il à sa fille. Et la fille, qui songe à la vie dissipée de ce père prodigue, fait un jeu de mots et se met à rire. Le père accompagne à Prague une danseuse sifflée à Paris. Il revient pour faire répéter Indiana et Charlemagne à sa fille, qui jouera en débardeur.

« Avec quel art toutes ces scènes, cruelles au fond, sont traitées, enlevées par les auteurs de Frou-Frou ! C’est plaisir de voir tant de délicatesse au théâtre. Notez que rien ne s’évapore de cet esprit un peu subtil. Tout est arôme, mais tout passe la rampe. Les travers de la femme actuelle sont fustigés d’une main légère, mais qui ne fait point grâce. Ce qui me plaît là, c’est que les auteurs, qui n’ont pas l’air d’y toucher, sont vraiment des moralistes. Ce pastel d’un monde plus léger que leur crayon, et qui tombera plus vite en poussière, a le ton de la causerie et la puissance du sermon. Leur œuvre est un fer rouge trempé dans la poudre de riz. Il sent bon, mais il cautérise. »

Ce que je dis là d’une œuvre seule, je le pourrais dire du théâtre tout entier des deux collaborateurs. J’aurais voulu m’arrêter encore sur Fanny Lear, cette œuvre forte, bizarre, hautaine où Mme Pasca fut si supérieure, comme la pauvre Desclée avait été si admirable dans Frou-Frou. Mais, pour caractériser le théâtre d’Halévy et de Meilhac, peut-être vaut-il mieux choisir telle comédie leste et courte comme, par exemple, les Sonnettes. C’est, comme le Roi Candaule, un modèle du genre. Là l’esprit fait rage et